Réponse de Spitou Mendy, porte parole du SOC Almeria.

23 février 2011 par Cabiria

Résumé : un texte écrit par Spitou Mendy, porte-parole du Syndicat des Ouvriers Agricoles (SOC) section d’Alméria. Dans la région d’Alméria petites et moyennes entreprises, exploitations familiales et ouvriers agricoles sont victimes des règles fixées par l’agro-industrie, qui détruit la paysannerie et induit l’exploitation d’une main d’œuvre de plus en plus flexible. Les atteintes aux droits du travail et aux droits humains en général se renforcent envers les saisonniers migrants de la région. Un documentaire faisant état de cette situation a été l’objet d’une campagne de dénigrement de la part du journal « La Voz de Alméria » et d’intellectuels complices, vantant les mérites du modèle agricole dominant. Spitou Mendy leur écrit donc une réponse…

Almeria après Felicity.
Une enquête de la Commission des Droits de l’Homme de l’U.E s’impose

Le Pape Jean-Paul II dans Laborem excercens (Le travail humain) écrit :”Il convient de reconnaitre que l’erreur du capitalisme primitif peut se répèter partout où l’homme est en quelque sorte traité de la même façon que l’ensemble des moyens matériels de production, comme un instrument et non plus selon la vraie dignité de son travail, c’est-à-dire comme sujet et auteur, et par là même comme véritable but de tout le processus de production“.

Dans l’agro-industrie, les conditions de vie et de travail continuent d’alimenter les polémiques partout en Europe (Almeria, Calabre, Bouches du Rhône…) et en Afrique (Maroc).

Encore une fois, c’est Almeria qui fait l’actualité après la sortie du reportage de Felicity Lawrence du Guardian.
A Almeria les faibles payent toujours les pots cassés. Economiquement parlant les petites et moyennes entreprises, les exploitations familiales, doivent s’adapter au jeu dominant, le jeu de la compétition où tout le monde est adversaire de tout le monde. Tout le monde est obligé de s’adapter au risque de se voir liquider : le jeu de la compétition pour tuer l’adversaire.

Comment, dans ce cas ne pas commettre des erreurs qui ont pour noms : manquements aux conventions collectives et violation des droits des travailleurs ?  Tous ceux qui ont eu à visiter Almeria au cours des dix dernières années auront noté que les ouvriers agricoles ne sont plus transportés par les patrons et sont obligés de parcourir les dizaines de kilomètres qui séparent les différentes contrées sur lesquelles s’étire la “mer de plastique” pour travailler dans des conditions inhumaines. Cette pénibilité du travail ne leur donne pourtant pas droit à un salaire décent. Largement sous-payés ils se cotisent à plusieurs pour pouvoir payer leur appartement où ils vivent entasser dans des chambres. Certains, beaucoup plus démunis, habitent dans des huttes en cartons et plastique sans eau potable ni électricité, loin de toute civilisation.

 Ça c’est l’état des lieux. Tout le monde le sait mais personnes ne dit rien. Les promesses d’après les faits d’El Ejido en 2000 ne sont pas tenues et les migrants se sont vus de plus en plus criminalisés. Le pire dans cette situation est qu’il y a une certaine presse au service du lobby des agriculteurs pour vanter le mérite du modèle de production qui exploite et tue en silence. Tout le monde doit entrer dans les rangs : être complices du système, sinon c’est l’ennemi à abattre. Et c’est au prix de ce jeu d’alliances que certains intellectuels se sont prêtés au jeu du quotidien “La Voz de Almeria” durant cinq jours pour manipuler l’opinion publique contre une journaliste qui n’a fait que son travail d’investigation et d’information, le SOC et tous ceux qui ont participé au documentaire. Tous ces journalistes, intellectuels, universitaires et politiques, à quelques exceptions près ont par leur attitude réconfortés les agriculteurs dans leur posture : ne jamais payer le prix convenu, tromper les sans-papiers des années durant et ne pas les régulariser, ne déclarer que 5, 10 ou 15 jours de travail de tous les jours travaillés dans le mois, etc.

A Almeria, la gourmandise de certains agriculteurs a dépassé les limites du tolérable. La servitude, le silence coupable de l’opinion publique et des administrations locales finissent toujours par être connus. Avant c’était sur les pesticides, aujourd’hui c’est sur les conditions de vie et de travail, demain peut-être pourrons nous parler d’une agriculture paysanne qui prend en compte les aspirations de tous à une alimentation saine.

Le documentaire “El Ejido, la loi du profit” a été censuré en Espagne en 2007 mais les images, les personnes qui ont pris la parole sont bien réelles ! C’est la guerre économique, d’accord, mais un peu d’honnêteté intellectuelle. Felicity a fait du bon travail et nous l’encourageons où qu’elle aille : Maroc, Italie, France, ce sont les mêmes vérités délivrées à l’opinion publique, aux consommateurs : les dégâts de l’agro-industrie dans nos sociétés dites avancées où le profit l’emporte sur la vie humaine.

 Quant à ceux qui s’en prennent toujours au SOC, il est temps qu’ils comprennent que nous sommes des ouvriers agricoles exploités et expulsables à souhait, mais nous ne vendrons jamais notre âme au capitalisme sauvage.

 Face à tous ces mensonges et manipulation la Commission Européenne des Droits de l’Homme devrait s’inviter à Almeria parce que c’est la servitude et l’esclavage dans les serres d’Almeria.

Spitou Mendy Porte parole du syndicat des ouvriers agricoles Section d’Almeria Contacts : 0034-662 376 786

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