8 février 2012 par Nidal
La recherche de bénéfice inhérente au fonctionnement économique de nos sociétés pousse les entreprises à s’installer et à produire à moindre coût. Selon les syndicats la maximisation des profits se fait au détriment des ouvriers et de leurs droits, seule la productivité compte. Dans ce contexte de concurrence pour le marché de l’emploi, le travail syndical est difficile. Les témoignages du syndicat de la Fédération nationale du secteur agricole permettent de se rendre compte de la situation et nous éclairent sur la précarité de l’emploi dans le secteur.
Au siège national de la FNSA-UMT Fédération Nationale du Secteur Agricole, Syndicat militant membre de l’Union Marocaine du Travail on défend la mobilisation comme moyen d’action. L’important est d’abord de former un bureau syndical, de maximiser le nombre d’adhérents. Lorsque les membres sont suffisamment nombreux, les revendications sont présentées à la direction. Les revendications défendent souvent des droits de base comme de recevoir la totalité de sa paye. Le dialogue est privilégié mais dans certains cas, c’est plus compliqué. Mohamed Hackesh (Président du syndicat) et Doreidi (Militant et membre du siège national) se souviennent que le travail n’était pas aussi difficile lorsque les entreprises n’étaient pas toutes privées. Avec les entreprises d’Etat, le dialogue syndicat/patronat était possible et les négociations pouvaient avoir lieu. Aujourd’hui c’est simple, les entrepreneurs cherchent à s’installer ici car le droit du travail n’est pas respecté. Le vide juridique et le manque d’intérêt des autorités pour la question permettent aux investisseurs de faire selon leur bon vouloir. En réduisant leurs coûts de production sur le dos des salariés les entreprises entrent sur le marché international avec des prix défiants toutes concurrences et dérèglent les marchés. Les prix sont écrasés au mépris des droits fondamentaux des ouvriers. Face à de telles pressions et au laisser faire des autorités les mobilisations représentent souvent le dernier recours possible. Au bureau syndical de Aït Amira dans le Souss Massa (au sud d’Agadir) on nous explique qu’une fois que le syndicat a assez de force, et qu’il est bien implanté, il arrive que le dialogue s’installe, que les entreprises consultent le syndicat avant de prendre des décisions. Ceci redonne de l’espoir à Omar, Bourbej et Hamid qui sont depuis longtemps engagés pour faire vivre le mouvement syndical dans la région.
Les ouvrières en lutte
Pour le syndicat il est clair que la précarité et la mise en concurrence des demandeurs d’emploi sont les principaux obstacles aux revendications citoyennes de masse. Il arrive souvent que les ouvriers travaillent pour une période très courte, sans contrats, dans l’impossibilité de prévoir quoi que ce soit à court terme. Ils sont recrutés dans des « Marchés aux employés », les « Mouqaf ». Devant cette concurrence ils ne sont pas en position de force pour négocier leurs conditions de travail. Très souvent les ouvriers n’ont pas de copie de leur contrat de travail, lorsque celui-ci existe. Normalement, un ouvrier qui travaille depuis plusieurs années dans une exploitation doit se voir offrir un poste en tant que permanent afin de stabiliser sa situation et de ne plus vivre dans la crainte du chômage. Or même après 15 ans de travail pour la même entreprise des ouvriers sont licenciés pour avoir demandé leur régularisation et de meilleures conditions de travail. De plus, la précarité de l’emploi peut être renforcée lorsque l’entreprise fait appel à un recruteur qui se charge de fournir la main d’œuvre et est le garant de la « contractualisation » des ouvriers. Ainsi les patrons se déresponsabilisent de leurs obligations (paiement des salaires, cotisations sociales, gestion administratives) et ont accès à une main d’œuvre remplaçable et donc plus docile.
Les anciènes ouvrières de Nufribel mennent la protestation
Lorsqu’un bureau syndical arrive à se créer au sein d’une entreprise, les adhérents sont dans le collimateur des patrons ou des « caporals » (les surveillants). Les licenciements sont fréquents. Les femmes licenciées de l’usine d’emballage de la société Nufribel (Société espagnole d’exportation de produits maraîchers) en sont un exemple. Certaines travaillaient depuis plusieurs années dans cette entreprise et se sont fait licencier pour avoir revendiqué le minimum de leurs droits : un salaire décent, des contrats en règle et l’affiliation à la caisse nationale de la sécurité sociale. Elles ont été traitées par les forces de l’ordre comme des criminelles et tout comme les anciens ouvriers de Dakhla elles font maintenant l’objet de poursuites judiciaires au nom de l’article 288 du code du travail. Cet article facilite le renvoi des ouvriers contestataires. Il permet le licenciement des personnes entravant le bon fonctionnement de l’entreprise et il est très souvent utilisé pour poursuivre les ouvriers en justice après leur licenciement (Pour plus d’informations suivre le lien). Ajoutons enfin qu’un ouvrier agricole est payé 60dhm/jour (soit 6€) contre 90dhm/jours dans les autres secteurs, et bien souvent la paye n’est pas totale. En effet il arrive souvent que les salariés soient sous payés lorsque leurs supérieurs considèrent qu’ils n’accomplissent pas totalement leurs tâches.
Ces situations sont dénoncées par les syndicats. Parmi les principales revendications de la FNSA il y a l’augmentation des salaires, la révision de l’article 288 du code du travail et la régularisation de la situation des travailleurs avec l’enregistrement des ouvriers à la caisse nationale de la sécurité sociale (seuls 6% des salariés sont affiliés à cette caisse selon ses propres estimations). Selon les représentants de la FNSA, lutter n’est pas facile, et il faut coordonner les mouvements mais les moyens manquent au syndicat. Pour autant, la situation est telle que les revendications prennent de l’ampleur et que le nombre de syndiqués augmente.
Sit-In de protestation contre le licenciement abusif des ouvrières de Nufribel
Y participent des membres la FNSA, la CDT (confédération des travailleur) et des organismes de défense des droits de l’Homme.