Grands crus piémontais et travailleurs macédoniens – Campagnes Solidaires 287

 La coopérative de travail : un nouveau maillon de la filière de recrutement des travailleurs migrants agricoles. Exemple dans les vignes du Piémont avec les travailleurs venus de Macédoine.

Viticulture piémontaise

Canelli, Piémont : 780 hectares de vignes conduites par 500 petites et moyennes propriétés. Les appellations de la région font parties des plus réputées d’Italie : Asti spumante, Moscato d’Asti, Barbera d’Asti, Barbera del Monferrato… Dans ces vignes, la plupart des travailleurs viennent de Macédoine.

Le premier d’entre eux arrive en 1986. La dépréciation et la dureté du travail agricole, l’urbanisation, l’évolution des structures familiales, ont peu à peu vidé le vignoble italien des travailleurs saisonniers traditionnels : étudiants, retraités, Italiens du Sud. Le bouche à oreille a fait son œuvre :   aujourd’hui,  10 % de la population de Canelli est macédonienne et s’est rapidement intégrée.

La particularité de la zone tient à la prédominance des coopératives de travail comme intermédiaires de fourniture de main d’oeuvre. Elles ont pour objet de débattre le prix de l’ouvrage avec l’entrepreneur commanditaire, puis de répartir les tâches et les rémunérations entre leurs salariés, associés ou non. L’utilisation d’une telle structure pour pratiquer l’intermédiation de main-d’œuvre, un temps très encadrée mais fortement assouplie depuis 2003, est  un phénomène grandissant en Italie.

Avantages fiscaux, capital variable potentiellement bas (défini selon le nombre de membres),  risques limités en cas de faillite : les coopératives peuvent également jouir d’un règlement permettant d’assouplir, de façon souvent illégitime, les lois et conventions nationales régissant l’organisation du travail des salariés

Les travailleurs migrants y sont légion, leur précarité ainsi que la méconnaissance des droits et  de la langue constituant des facteurs facilitant le détournement de l’objet coopératif.

Coexistent à Canelli une quinzaine de coopératives de ce type, presque toutes (sauf une) gérées par des Macédoniens, dont trois sont connues, revendiquant  transparence et légalité, tandis que personne ici ne semble capable de nommer les autres, dissimulées et instables.

L’agriculteur n’est plus l’employeur ; il est client de la coopérative à qui il fait appel en fonction de ses besoins. Celle-ci lui fournit un service facturé et s’occupe de tout : vêtements, outils, transports, voire logement. En théorie, pour échapper au marchandage illicite de main d’oeuvre, les coopératives doivent fournir tous les moyens de production et être présentes sur le terrain pour exercer effectivement leur responsabilité d’employeur… Mais ces exigences sont difficilement applicables quand une coopérative de 120 travailleurs associés fournit plus de 30 clients différents, avec parfois un seul travailleur sur place.

Outil d’autogestion qui aurait pu permettre d’étouffer le phénomène de caporalato (1) en remettant dans les mains des travailleurs l’embauche et les relations de travail, ces coopératives prennent aujourd’hui le chemin inverse : nombre ne sont que des coquilles vides créées aux fins de facturer au plus bas un travail salarié, et ne résultent de toute façon jamais d’initiatives collectives, mais de la volonté d’un entrepreneur.

Tous les macédoniens travaillant dans la vigne ne sont pas résidents, et depuis trois ans, lors de la vendange, on trouve sur un parking central de Canelli – Piazza Europa – un nombre grandissant de Bulgares et de Macédoniens à la recherche de travail. Beaucoup dorment et vivent dans  leur voiture : il étaient ainsi 300 en 2012.

Les coopératives fictives viennent y faire leur marché chaque matin. Les coopératives stables s’en plaignent, car là ou elles facturent à l’agriculteur environ 12 € l’heure de travail (le salarié en reçoit la moitié en net), d’autres bradent à 7euros., Cela reste toujours bon à prendre pour un migrant venant d’un pays où le revenu moyen est de 330 euros par mois…

Le maire – sans étiquette mais sympathisant de Berlusconi – se décide cette année à agir et souhaite déplacer le marché illicite des travailleurs vers une zone industrielle proche, en y installant deux douches et  un WC. Il semblerait qu’il ait promis d’intensifier les contrôles sur les coopératives qui opèrent sur le fameux parking mais de laisser tranquille celles qui iront se servir sur le lieu choisi en zone industrielle.

La municipalité s’est également engagée à verser cent euros à tout cultivateur embauchant pendant au mois quinze jours un résident en difficulté pioché dans une liste établie par les services sociaux.

Ce qui fait encore des Macédoniens de très bonnes affaires pour les entreprises viticoles de Canelli…

Julie Rouan

(1) Le caporalato est un système d’exploitation en vigueur dans le Sud de l’Italie. Le caporale est possesseur d’une camionnette et se déplace tôt le matin dans les villages pour récupérer des journaliers qu’il propose aux employeurs, empochant jusqu’à plus de 50% du salaire.

La Macédoine, pays pauvre

La Macédoine est un État d’Europe du Sud, l’un des États successeurs de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, vis-à-vis de laquelle elle a déclaré son indépendance en 1991. Ce petit pas d’un peu plus de deux millions d’habitants. En 2008, 28,7 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, un taux en constante augmentation depuis l’indépendance du pays. La pauvreté est particulièrement forte dans les régions rurales.

Source : Wikipedia

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