Edito brochure 2014
Les travaux répartis sur dix années consécutives durant lesquelles furent sillonnés plus de dix pays (européens comme méditerranéens) auront permis de dresser un constat alarmant. Ce bilan, partagé tant par des universitaires chercheurs, que par des syndicalistes ouvriers ou paysans, met en évidence l’accélération de l’érosion des droits des paysans et des travailleurs de la terre, quels que soient leurs statuts, leurs origines et leurs itinéraires.
Il s’agissait pour nous, en cette période d’élargissement de la communauté européenne et de renégociation de la Politique Agricole Commune, d’enfoncer un « coin social » dans le corps des politiques libérales. Il nous est apparu nécessaire d’alerter tous azimuts sur les conséquences sociales des discours scientistes, productivistes portés par les promoteurs de la performance économique, largement distillés par le personnel de Bruxelles et relayés nationalement par les lobbies de l’agro alimentaire et ses vassaux.
Au fil de ces dernières années, le processus d’appauvrissement des communautés paysannes dans le monde et en Europe s’est accéléré, et la fonction exportatrice de l’agriculture – dont la qualification d’industrielle prend chaque jour un peu plus de sens – continue à être largement subventionnée au détriment des petites fermes et des populations rurales et paysannes.
Ces processus repérés et dénoncés se trouvent maintenant renforcés par au moins deux phénomènes « nouveaux » (à l’échelle historique…) qui sont d’une part les vols de terres et la mise en place « d’innovations » en termes de marchandisation de la main d’œuvre en particulier saisonnière. Ces deux armes, accaparement des terres et détachement de travailleurs et/ou prestation de service international, complètent maintenant le processus d’éradication engagé contre les agricultures paysannes et familiales. Les faillites organisées par l’imposition au niveau international d’une concurrence déloyale ne suffisaient plus aux prédateurs. Il leur fallait créer les conditions d’un impossible retour, à la terre, à des conditions de travail décentes, et cela avec la complicité active des pouvoirs politiques nationaux en place.
Ainsi privés de leurs terres et de leur statut, des centaines de milliers d’hommes et de femmes se retrouvent condamnés à l’errance, proies faciles des marchands d’esclaves du 21° siècle.
Evidemment, bien souvent, la barrière de la langue, la concurrence parfois violente entre les communautés, l’isolement, ne facilitent pas le travail minimum de solidarité. Mais à l’heure des attaques répétées et de plus en plus violentes à l’encontre des acteurs sociaux, qu’ils soient syndicalistes ou associatifs, comme à l’encontre des acquis sociaux, il est urgent de vivifier un réseau français et européen de solidarité active qui puisse à la fois dénoncer les atteintes « locales » aux droits des uns et des autres, de susciter et de participer aux mobilisations et de contribuer à affuter l’arme syndicale que représente le droit.
Nicolas Duntze, paysan.
Travaux conjoints des membres de la Via Campesina, de la Confédération paysanne avec le soutien de nombreux volontaires européens œuvrant dans le champ de la solidarité internationale avec l’association Echanges et partenariats.